Stevie Ray Vaughan fait partie de ces guitaristes dont le son est immédiatement reconnaissable. Puissant, brut, plein d’émotion. Mais il n’était pas seul à travailler ce son, il y avait un homme de l’ombre qui a joué un rôle crucial : César Díaz. Cet expert des amplis et des guitares a travaillé avec des guitaristes comme Eric Clapton, Keith Richards et Bob Dylan, mais c’est sans doute avec Stevie Ray Vaughan qu’il a eu le plus d’impact. Retour sur une collaboration qui a créé l’un des sons les plus emblématiques du blues-rock avec quelques mémoires de Diaz.
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La première rencontre entre Diaz et SRV
En 1979, dans un club de Bethesda, Maryland, César Díaz assiste à un concert de Stevie Ray Vaughan. Le choc est immédiat : « Ce mec joue incroyablement bien, mais il sonne comme de la merde ! » se dit-il. Plutôt que de garder cette réflexion pour lui, il va directement voir Stevie à la fin du concert et lui propose de l’aider à améliorer son son. Le jeune guitariste, encore peu guidé à l’époque, accepte volontiers.
À ce moment-là, Stevie joue sur sa fameuse Stratocaster « Number One », une Fender de 1959, mais elle est encore en bon état et ne porte pas encore les marques du temps ni le célèbre « SRV » usé par ses années de jeu intense. Il manque également un élément clé : la tige de vibrato inversée, comme celle de Jimi Hendrix. Lorsqu’il apprend que c’est ainsi qu’Hendrix obtenait ses effets de vibrato si distinctifs, Stevie n’hésite pas : « Tu peux m’en trouver une ? » Díaz s’exécute, et la prochaine fois qu’il voit Vaughan, l’iconique whammy bar inversée est bien en place sur Number One.
Le traitement apporté aux amplis de SRV
À ses débuts, Stevie Ray Vaughan utilise un Fender Vibroverb Black Panel, un ampli rare équipé d’un haut-parleur de 15 pouces. Un excellent choix, mais qui manque de précision sur les basses fréquences. Avec le temps, il en ajoute un second, et ensemble, ces deux amplis deviennent le cœur de son son. Ces Vibroverbs datent de 1964, la seule année où ce modèle a été produit avant de devenir le Pro-Verb.
Mais César Díaz ne se contente pas de constater l’équipement de Stevie, il l’améliore. Le premier grand changement concerne les transformateurs de sortie des amplis, qui étaient usés. Un problème fondamental, car sur un ampli à lampes en push/pull, les enroulements secondaires des transformateurs doivent être bien appairés. Sinon, les lampes ne chauffent pas de manière optimale et le son perd en précision. Díaz teste la résistance en courant continu et ajuste les transformateurs pour que chaque lampe délivre toute sa puissance.
Le défi des cordes épaisses et pourquoi ça a un impact sur le son
Le style de jeu de Vaughan impose des contraintes inhabituelles aux amplis. Il utilise des cordes extrêmement épaisses (du .013 au .052), et s’accorde un demi-ton plus bas en Mi bémol. Un choix qui lui permet de jouer avec plus de souplesse, mais qui modifie la réponse de l’ampli. En effet, les fréquences générées ne correspondent pas aux valeurs standard prévues par le circuit des amplis Fender. Díaz doit alors ajuster l’entrée de l’ampli pour éviter que le signal ne soit trop saturé et ne provoque des pics de tension ingérables.
Mais malgré ces ajustements, Stevie joue avec une telle intensité qu’il pousse ses amplis à l’extrême : « J’ai vu des étincelles et de la fumée sortir de ses amplis », raconte Díaz en riant. À certains moments, la tension dans les lampes pouvait atteindre 700 volts ! Un stress énorme pour les circuits, mais Vaughan ne voulait rien changer : « C’est mon son. »
Une approche superstitieuse du réglage des amplis
Stevie Ray Vaughan avait une approche très personnelle du réglage de son matériel. Il utilisait toujours les mêmes réglages, peu importe l’ampli ou l’endroit où il jouait :
- Volume : 6
- Aigus : 5,5
- Basses : 4
Peu importe si le son variait en fonction de la salle ou du matériel, il voulait toujours voir ses boutons aux mêmes positions. Pour éviter des problèmes, Díaz utilisait une petite astuce : il retirait les boutons et les remontait légèrement décalés. Ainsi, quand Stevie réglait le volume sur 6, l’ampli pouvait être légèrement ajusté sans qu’il s’en aperçoive.
Les influences de Stevie et son approche du studio
Si le son de Vaughan est unique, il ne s’est pas construit en vase clos. Il parlait souvent avec Díaz des guitaristes qu’il admirait, notamment Mike Bloomfield, Hubert Sumlin (le guitariste de Howlin’ Wolf) et Otis Rush. Il appréciait particulièrement les sonorités tranchantes et brillantes des Telecasters, même s’il n’en jouait presque jamais. L’une des rares exceptions fut lors de l’enregistrement de The House Is Rockin’, où il utilisa une Esquire ayant reçu une modification pour ajouter un micro manche.
En studio, il refusait toute concession sur son son. Certains ingénieurs essayaient de lui faire utiliser des petits amplis pour limiter le volume, mais il n’en était pas question. Pour l’enregistrement de l’album In Step, 32 amplis étaient branchés en simultané. Stevie était tellement perfectionniste qu’il pouvait arrêter une prise en plein milieu pour signaler qu’un petit ampli Gibson à l’étage avait un problème. Et il avait raison !
SRV n’avait pas encore trouvé LE son
Stevie Ray Vaughan n’a jamais cessé de chercher à perfectionner son son. Même après avoir trouvé une combinaison gagnante avec ses Vibroverbs et ses Stratocasters, il restait à l’affût de nouveaux ajustements.
Pour César Díaz, Vaughan n’avait pas encore atteint son plein potentiel. Et c’est une information qui continue de nous faire regretter la disparition de SRV…