Il est rare qu’un simple objet puisse résumer à lui seul l’essence d’une légende. Mais quand on parle de la « Black Strat » de David Gilmour, on touche du bout des doigts la magie. La Fender Stratocaster noire qui a fait résonner les notes les plus iconiques de Pink Floyd n’est pas juste une guitare et son histoire est aussi pleine de rebondissements qu’un solo de « Comfortably Numb ».
Une Strat toute bête
C’est en 1970 au détour d’un magasin de guitare à New York, le célèbre Manny’s, que Gilmour tombe par hasard sur une Stratocaster sunburst à l’origine. Une trouvaille plutôt banale à première vue, mais qui allait devenir son compagnon pour des années. Cette guitare fut embarquée dans l’enregistrement d’albums mythiques tels que The Dark Side of the Moon, Wish You Were Here et The Wall. Chaque note, chaque vibration enregistrée par Gilmour semble provenir directement de cette guitare noire comme la nuit.
Le plus drôle dans tout ça, c’est que la Black Strat n’a pas toujours eu le statut d’icône. À ses débuts, elle était en perpétuel « chantier ». Gilmour l’a modifiée, réparée, et même… perdue ! Oui, perdu. En 1972, on la lui vole lors d’une tournée aux États-Unis. Mais, par une chance inouïe, elle réapparaît à Londres, et l’histoire d’amour entre Gilmour et sa guitare peut continuer de plus belle. Comme quoi, même une guitare peut avoir ses propres aventures rocambolesques.
Le secret de son son unique : bricolage ou génie ?
La Black Strat a subi plus d’opérations que le Millenium Falcon de Star Wars. C’est d’ailleurs peut-être pas pour rien si à l’époque Gilmour avait la pilosité de Chewie. Des changements de micros, de manches, des refrettages à répétition, l’ajout d’un switch pour pouvoir utiliser en même temps le micro chevalet et le micro manche… C’est un véritable patchwork.
Un jour, Gilmour a même installé un vibrato « un poil trop gros » au milieu de la guitare, qui a eu pour conséquence de devoir creuser le corps, et bien sûr le reboucher par la suite. Il a aussi changé plusieurs fois le manche, trouvant finalement que le premier, datant de 1969, était celui qui offrait le meilleur feeling.
Au final, c’est cette personnalisation, cette quête perpétuelle d’atteindre LE son parfait, qui a fait de la Black Strat l’instrument capable de transmettre toute la finesse et la puissance du jeu de Gilmour. Son solo dans « Comfortably Numb » ou encore les 4 notes planantes de l’intro de « Shine On You Crazy Diamond » doivent tout à cette Strat malmenée mais bien aimée.
Passée à la postérité
En 2019, dans un geste de générosité extrême, Gilmour a décidé de vendre la Black Strat aux enchères. Et là, tenez-vous bien, elle a été adjugée pour la modique somme de… 3,975 millions de dollars ! Un record mondial à l’époque pour une guitare.
Mais ce n’est pas juste un instrument que Gilmour a vendu, c’est un morceau d’histoire, une relique pour tout amateur de guitare. On imagine facilement, avec une petite larme, les futurs propriétaires la poser sur une étagère, à l’abri des regards et à prendre la poussière, ou pire, la brancher et jouer Wonderwall…
Pourquoi les guitaristes doivent-ils s’en inspirer ?
La Black Strat nous rappelle une chose essentielle : la guitare ne fait pas le musicien. C’est l’alchimie entre les deux qui compte. Gilmour a su exploiter au maximum cet instrument pourtant simple, sans superflu. Alors, chers guitaristes, que vous ayez une Strat à 300 balles (ou le pedalboard de Gilmour pour 200 balles) ou une custom shop hors de prix, rappelez-vous que l’essentiel réside dans votre feeling, votre créativité… et peut-être aussi dans un peu de bricolage.
Parce qu’au fond, si la Black Strat a un tel pouvoir, c’est avant tout grâce à celui qui l’a tenue entre ses mains. Et si Gilmour pouvait faire des merveilles avec une guitare si « imparfaite », imaginez ce que vous pourriez faire avec la vôtre… à condition de ne pas la perdre en tournée, bien sûr. Et si vous avez besoin d’un peu d’aide, vous savez où trouver les réglages d’ampli de Gilmour.